Hypocondrie: tendance maladive à se préoccuper de sa santé et de maladies, souvent imaginaires.
Mysophobie (germophobie): peur maladive et irrationnelle d’être en contact avec la saleté ou d’être contaminé par des microbes et des parasites.
Certains proches de Raphaëlle connaissent sa propension à se préoccuper des microbes et des bactéries qui nous entourent. D’autres seront peut-être étonnés de découvrir cette petite préoccupation qui l’habite par moment.
Pas d’inquiétude! Elle n’est ni mysophobe, ni hypocondriaque…même s’il m’arrive de l’agacer en ce sens parfois. Que voulez-vous, je suis un incorrigible taquin! Disons que sur la question, elle est un brin plus sensible que moi. Les nombreux voyages qu’elle cumule maintenant sont une preuve tangible qu’elle sait faire fi de ses craintes et profiter de ses séjours à l’étranger.
Pas de gêne à y avoir: nombre de nos lecteurs n’arrivent tout simplement pas à s’imaginer des situations similaires à celles que nous vous décrivons parfois. Bien souvent, le spectre des maladies tropicales se trouve amplifié par l’imaginaire du sédentaire. La gestion du risque est tout à fait acceptable avec quelques précautions d’usage et …un peu de chance!
De chance, oui, car il existera toujours des impondérables que nous ne pourrons contrôler. On en a déjà parlé, l’hygiène est une notion fort variable d’un pays à l’autre. En fait, le concept même n’a pas encore su franchir toutes les frontières du globe. Sur cette question, il y a de ces recoins du monde qui pourraient désarçonner le plus indifférent des durs-à-cuire. Ce faisant, il faut savoir lâcher prise et mettre son dégoût et sa raison d’occidental de côté.
Et puis, au delà de la propreté, reste évidemment le risque d’attraper des maladies tropicales, les piqures infectieuses de moustiques, la cuisson des aliments, leur conservation…(vous vous souvenez, mon article sur la viande dans les marchés asiatiques?). La somme de ses situations accentue immanquablement les risques potentiels de tomber malade…et les raisons de s’en inquiéter. Quiconque vivant avec une préoccupation sanitaire déjà bien installée y vit donc un double défi!
Ce défi, Raphaëlle le relève avec brio!
Bien sûr, je connaissais déjà ses petites manies malgré tous ses efforts pour les cacher. À nos premiers voyages je me questionnais: comment allait-elle composer avec ça??? Puis, j’ai compris qu’elle se connait, tout simplement. Anticipant la possible menace bactériologique, elle étudie méthodiquement son adversaire qui se retrouve ainsi avec un ou deux coups de retard sur elle.
De fait, cette planification stratégique prend place bien avant l’embarquement. En préparant un départ pour une telle aventure, tout voyageur un tant soit peu prudent fait un petit saut chez le médecin.
De nos jours, il existe plusieurs « cliniques du voyageur » où des médecins spécialisés en prévention des maladies tropicales vous offrent conseils et expertises suivant vos destinations spécifiques.
Si vous êtes sensible à la question, prenez garde: c’est là une occasion de vous faire capoter solide! Jasant avec ces professionnels de la santé d’outre-mer, on se rend compte qu’on est drôlement peinard au Québec avec notre petite grippe saisonnière et notre virus du Nil occidental…
La première rencontre fait réaliser que vous allez vous exposer, volontairement, à mille maladies exotiques qui vous assailliront dès votre sortie de l’avion. Nommez un pays, on vous défile une liste. Les maladies exotiques les font vraiment tripper. Imaginez, à mon arrivée, lorsque je présente au médecin mon projet de voyage au long cours…je le sens jubiler intérieurement. Il a comme un frisson. Il consulte ses chartes et ses cartes géographiques zonées en couleurs avant de commencer sa récitation:
Fièvre jaune, malaria – paludisme…
– C’est la même chose, mais on lui donne deux noms. Technique de dramaturgie médicale, j’imagine…
… dengue, choléra, diphtérie, leishmaniose…
– Kessé ça!?!
…Schistosomiase …
– Wô, j’me demande si quelqu’un l’a déjà placé au Scrabble celui-là!
… rage, encéphalite japonaise…
– Quoi, l’encéphalite québécoise serait moins dangereuse?
…hépatite a-b-c-d-e-f…alouette!
La liste semble interminable. Un passage prolongé sur une ferme, une poignée de main poisseuse, une piqure du mauvais moustique ou une éraflure malchanceuse et vous voilà condamné à mourir loin de chez vous dans d’atroces souffrances. À écouter la liste des dangers possibles, c’est à se demander comment les asiatiques parviennent à être aussi nombreux.
Heureusement, moyennant quelques frais, ma foi faramineux, le médecin me propose des « dizaines » de vaccins. Enfin, propose…quelques énoncés sur le sort qui vous est réservé si vous contractez la maladie suffisent généralement à vous convaincre de les demander. Tsé, quand le doc te regarde calmement dans les yeux et te dis: « moi à votre place, je le prendrais…». Ben c’est ça, ça fait que tu le prends!
Voilà donc l’infirmière qui vide machinalement plusieurs seringues dans mon bras. Je me dis alors qu’on place réellement une confiance aveugle en leurs services. Je n’ai aucune idée de ce qu’elle m’injecte, mais à voir les quantités de liquide qui entrent dans mes veines, j’espère que les fioles étaient bien identifiées…
Le toubip me remet une longue prescription de trucs à acheter avant mon départ, me fixe des rendez-vous pour les prochaines doses et me souhaite un bon voyage. Le bras endolori, je reviens à la maison convaincu d’être dorénavant indestructible et immunisé contre tous les microbes connus de la médecine moderne.
Ça, c’est avant de jaser avec ma blonde… Dès mon arrivée, j’ai droit à milles questions.
– As-tu eu le vaccin machin-chose-XTDVS-4 ?
– Euh, je sais pas trop, là … sûrement, je lui ai dit où on allait. Faudrait que je regarde le carnet.
– T’as t-il parlé des risques pour la « je-sais-pas-quoi » galopante?
– euh…ouais, je pense…enfin…
– Il a dit quoi?
– ben, euh…en tout cas, il m’a remis une longue prescription pour le pharmacien…
– Lui as-tu demandé une prescription pour le « machin-truc-j’sais-pas-quoi-iose-aiguë »…
– ben…euh…non, je crois pas…enfin…je lui ai parlé de nos destinations, j’me dis que c’est un pro; il doit savoir ce qu’il fait! Je pense que je suis immunisé contre à peu près tout.
– Pas la dengue…on peut rien faire pour la dengue…
– Bah, justement, si on peut rien faire…
Le médecin aurait dû me prévenir que j’aurais un examen à passer à mon retour. Avoir su, j’aurais pris des notes. La discussion se poursuit et je suis fasciné de constater à quel point ma blonde est renseignée sur le sujet. Question d’intérêt je suppose… Moi, chez le doc, j’étais plutôt passif. Après tout, c’est son boulot, pas le mien. Je le paie pour qu’il m’immunise. Une fois blindé, j’ai bien d’autres choses à penser.
Les médicaments et autres produits de santé font évidemment partie du domaine que l’on peut contrôler. Il y a des gens, comme ma copine, qui contrôlent ce secteur d’une main de fer. Vous aurez compris que dans le couple, la responsable de la pharmacie, que dis-je, la directrice en chef de l’entrepôt de médicaments, c’est ma blonde. Elle pense à tout. Le moindre malaise, la plus petite faiblesse, Raphaëlle l’a anticipé et a préparé la riposte.
En faisant nos bagages, lorsque j’ai vu les sacs de médicaments qu’elle voulait apporter, je me suis demandé si nous allions devoir payer un surplus pour bagage surdimensionné. Et puis, ça, c’était juste la cargaison de départ. La gestion serrée de l’inventaire est tout aussi impressionnante. Sa réserve de médicaments est telle que chaque passage à la douane me fait craindre des accusations pour trafic de médicaments. J’imagine la une du journal local: La plus grosse saisie de médicaments jamais réalisée! Enquêtant leurs passeports, les policiers croient avoir démantelé un réseau international.
Le plus drôle, c’est que la grande majorité de cette pharmaceutique se veut préventive. Après neuf mois de voyage, la réserve n’a pas beaucoup diminuée. Ce poids supplémentaire, c’est du « au cas où ». On ne sait jamais quand, ou si, ça servira. En fait, on souhaite ardemment les avoir trimballés pour rien. Sauf que quand le malheur frappe, ma blonde est prête. D’ailleurs, si je me paie bien sa tête en ce moment, je suis obligé de reconnaître qu’en cas de besoin, je suis un heureux bénéficiaire de toute cette prévoyance! Vous vous souvenez peut-être de mes péripéties avec les crevettes sri lankaises… (voir l’article Shit Happens!).
À voyager avec mon hypochondriaque adorée, j’ai compris que le nerf de la guerre aux microbes réside bien plus dans la prévention que dans les traitements. Et la prévention passe invariablement par…la propreté des mains!
J’admet ne pas être le plus scrupuleux à ce chapitre. Mes mains, je les lave par habitude avant de préparer un repas ou avant de me mettre à la table. Si je mange un encas sur le pouce, je n’y pense pas toujours. Pour ma blonde, c’est un incontournable. Si elle ne peut laver ses mains, elle passe au plan B.
Armée de son fidèle purell, je la vois s’alcooliser les mains dès qu’elle les approche d’une substance comestible. C’est un éternel combat. Parfois, je me demande même si elle a la capacité de voir les germes courir sur les objets. J’ai compris depuis longtemps qu’il y a beaucoup plus de vie dans son univers que dans le mien!!!
À n’en point douter: à la fin de sa vie, elle devra répondre d’un important génocide de germes et de bactéries. Méthodique, elle tue machinalement, par réflexe. Aucune intention coupable, elle les élimine suivant un mécanisme de protection bien conditionné.
Je ne vous raconte pas sa joie lorsqu’elle s’est rendue compte que ce merveilleux produit est facilement accessible dans toute l’Asie.
Devant l’absence de désinfectant ou l’incapacité de trouver un espace pour se laver les mains, Raph ne se laisse pas démonter. Que non! Jamais à court de ressource, les méthodes alternatives abondent. Elle exploite les serviettes de table comme pas une et est passée maître dans l’art de replier un papier d’emballage afin que ses doigts n’entrent jamais en contact avec la nourriture. Sans avoir à réfléchir, ses gestes s’enchaînent avec une efficacité redoutable. C’est beau à voir. Par moment, c’est presque de l’origami!
Mais ce qui me déstabilise le plus, c’est sa capacité à détecter les situations à risque. Elle est fascinante. Inconsciemment, elle sonde les lieux sans effort. Un flair instinctif lui sert de véritable radar. Un serveur qui tient les ustensiles du mauvais bord, qui pige une paille dans la boîte par son extrémité, qui lui sert un verre mal lavé ou qui manipule de la nourriture et de l’argent en même temps, rien n’échappe à son oeil aiguisé.
Je tente de l’aider de mon mieux. À l’occasion, je lui déconseille de passer par les cuisines. Il y a des moments dans la vie où on préfère ne pas savoir…ou ne pas voir! Même chose pour les toilettes… Après y être allé, il m’arrive de lui annoncer en rigolant que présentement, elle n’a tout simplement pas envie. Elle comprend très bien le message.
Reste la question des moustiques… Important vecteur de maladies tropicales, ils sont difficiles à éviter. Particulièrement pour elle. Dans sa grande malchance, Raphaëlle est un véritable aimant à moustiques. Sans farce!
Par un phénomène inexpliqué, les moustiques s’amourachent systématiquement d’elle. S’en est renversant. Un bête petit maringouin serait prêt à voler jusqu’à l’épuisement pour venir s’abreuver à sa chair! Même si on n’aperçoit pas le moindre moucheron dans toute une soirée, elle va se retrouver avec une piqure avant que nous rentrions. Je suis convaincu que certains d’entre eux parcourent des kilomètres juste pour s’offrir une petite bouchée…
Craignant la dengue, elle se badigeonne allègrement de répulsif. Un parfum envoûtant s’il en est un. Je tombe sous le charme à tout coup! Mais elle n’a pas le choix. Sinon, vous devriez voir l’incroyable quantité de piqures qu’elle peut collectionner sur ces jambes.
Depuis longtemps je dis qu’elle est le meilleur chasse-moustiques que je connaisse. Je n’ai qu’à me tenir à son côté pour voir tous les vampires du coin converger invariablement vers elle. Faut dire que je les comprends, elle est si appétissante!
À chacun de nos voyages, je la vois qui s’endurcie peu à peu. L’amélioration est notable. Elle devient presque normale! – Ouin, là je pousse un peu… je vais payer cher cette petite phrase! –
Comme quoi les situations confrontantes restent la meilleure des thérapies. Impuissante à bien des égards, elle ne s’empêche pas de vivre toutes ces aventures malgré tout. Voilà qui est tout à son honneur!
Miguel
P.S. À ceux qui ne l’auraient pas saisi, ce texte se veut caricatural. Ironique, il est truffé d’hyperboles, d’aimables railleries, de persiflages complices et d’autres figures de style destinées à exagérer.
Toute cette dérision amplifie assurément les petits traits hypocondriaques de ma blonde! Son but, que je crois hautement manifeste, est de vous faire sourire…et peut être aussi, dans une moindre mesure, convaincre nos lecteurs (lectrices?) ayant les mêmes tendances que ce type de voyage leur est aussi accessible.
Raphaëlle a évidemment lu ces quelques lignes. Du haut de toute son autodérision, elle a bien rit avant d’approuver leur publication.
De toute façon, je la soupçonne de préparer une douce vengeance…
* les photos du stéthoscope et de la mappemonde ont été empruntées sur internet
* la photo du moustique: crédit photo Reuters
Bravo Raphaëlle! Je reconnais bien ma fille, son courage… Et son sens de l’humour, un trait qu’elle partage avec ce compagnon incomparable, Miguel!
J’aimeJ’aime