Les cercueils suspendus de Sagada


Après plus de 9 heures d’autobus sur des routes cahoteuses en serpentins à travers les montagnes, nous gagnons finalement Sagada, un village du Nord des Philippines.  Voyage éprouvant pour le dos mais on ne peut plus agréable pour la vue; les paysages de la région sont à couper le souffle!  Les montagnes verdoyantes s’enchaînent, toutes plus hautes les unes que les autres.  Dans les vallées, on retrouve des étages et des étages de rizières et jardins en terrasses.

Si ces paysages valent à eux seuls le déplacement, c’est aussi des rites funéraires assez inusités qui nous mènent dans la région.  En effet, Sagada est connu pour sa tradition de suspendre ses cercueils à de hauts rochers.  Il n’en fallait pas plus pour piquer notre curiosité!

La pratique des cercueils suspendus date de plusieurs centaines d’années et provient des peuples indigènes de la région.  Elle tend aujourd’hui à disparaître; seuls quelques aînés du village souhaitent toujours ce rituel.  Avec l’arrivée du christianisme, les cimetières comme on les connaît sont maintenant favorisés.  Le plus récent cercueil suspendu l’a été il y a de cela cinq ans.  Les croix sur certains cercueils montrent d’ailleurs bien l’influence du christianisme sur ces traditions, qui étaient davantage animistes.

Une visite des lieux nous a permis d’en apprendre davantage sur cette curieuse pratique.  Lors du décès, le corps du défunt est enveloppé dans un tissus puis attaché en position assise sur une chaise de bois.  On l’enfume avec un mélange d’herbes et de plantes afin d’éviter que des odeurs ne se dégagent du corps.  Ensuite, ce dernier est ainsi exposé à l’entrée de la maison familiale, afin de permettre aux membres de la communauté de venir l’honorer pendant une période de deuil de quelques jours.

Après ces quelques jours, le corps est inséré dans un cercueil ayant été construit par le défunt lui-même avant sa mort, ou un membre de sa famille s’il était trop faible pour le faire.  Nous avons été surpris de constater que les plus vieux cercueils étaient très courts; pas plus d’un mètre de long.  En effet, le corps est recroquevillé en position foetale avant d’être couché dans le cercueil, au risque de casser quelques os!  Ainsi, le défunt quitte le monde dans la même position qu’il y était entré.  Cette façon de procéder n’était plus utilisée dans les dernières années, telle qu’en témoigne la longueur régulière des derniers cercueils.  Les familles préfèrent ne plus abimer le corps de leur être cher, et ce, même au nom de la tradition.

Une fois le corps inséré dans le cercueil, ce dernier est porté par des jeunes du village pour ensuite être hissé dans le cimetière suspendu.  En fait, les cercueils sont déposés sur des pieux solidement enfoncés dans le calcaire de la parois.  Certaines des chaises ayant servies lors de la cérémonie y sont également accrochées.

Ce rituel sacré n’était pas à la portée de tous puisqu’il implique de coûteux sacrifices pour la famille.  En  effet, lors de la cérémonie, la famille doit sacrifier plusieurs cochons et encore davantage de poulets.

Mais pourquoi cette tradition si particulière?  Diverses explications sont avancées.  Certains pensent que les anciens avaient l’impression que leur corps ainsi suspendu était plus près du ciel qu’en étant sous terre.  On raconte également qu’ils craignaient que leur corps enterré ne soient déterré par des chiens ou encore par des tributs de chasseurs de tête. Une autre croyance veut que les cercueils ainsi hors de terre permettent à la personne décédée de continuer de voir le soleil.

Ailleurs dans le village, il est également possible de visiter les grottes Lumiang, où sont empilés une centaine de cercueils, dont le plus vieux date de plus de 500 ans.  Il s’agirait d’un autre expression de la même tradition.  Les cercueils sont également de courte longueur, et laissés hors de la terre.  Certains sont ornés d’un lézard, un symbole de fertilité et de longévité.

Une sympathique marche en forêt nous permet de découvrir certains des sites sacrés, alors que d’autres sont protégés des touristes et demeurent seulement visibles de loin.  Même si ces pratiques funéraires sont appelées à disparaître, on sent que les habitants de Sagada vouent un profond respect envers les traditions de leurs ancêtres.

Raphaëlle

Catégories :Philippines

1 commentaire

  1. Wow et wassh, je ne sais pas trop… ! Je trouve ça vraiment impressionnant et d’une certaine manière très beau, mais d’un autre côté, pas sûre que j’aimerais avoir ce genre de sépulture!! Surtout l’histoire de la chaise…

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    • Ça doit être qqc en effet! Nous, on n’a pas eu l’occasion de voir ces expositions; comme Raph écrit, c’est devenu rare et ça tend à disparaître. Mais c’est particulier de voir les chaises accrochées à la paroi, au cas ou le défunt voudrait s’asseoir un peu! 😉

      J’imagine que de toute façon, plus personne n’a vraiment envie d’utiliser la chaise après-coup!

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    • C’est assez spécial effectivement… 🙂

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  2. Toujours intéressant de te lire chère Raphaëlle… Merci de nous faire vivre votre passionnant voyage! Mais malgré cela, tu me manques! Je continue à te lire religieusement! Bonne continuité dans votre liberté!

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  3. Je n’avais jamais entendu parler de cette pratique funéraire. Merci de nous faire découvrir.

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  4. C’est une vraie découverte pour nous. Merci de partager cela avec nous.

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  5. Des reportages toujours inspirants par leur qualité, merci de partager ces découvertes!

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