À voyager beaucoup, il devient difficile de ne pas se laisser aller au jeu des comparaisons. Conscient que la chose est hasardeuse, on tente de s’en garder le plus possible. Néanmoins, malgré tout notre bon vouloir, il arrive que l’on se fait prendre au piège; l’idée germe dans notre tête et notre esprit nous y ramène, faisant spontanément des liens entre nos propres références, usant de similitudes et glissant tranquillement…vers les comparaisons. Pour être bien honnête, se fut un peu le cas au Sri Lanka.
Il est dit de cette Île qu’elle comporte d’infinies contradictions…c’est bien vrai. Cependant, Raph et moi avons surtout été sur l’impression d’une étrange rencontre entre l’Inde et le Cambodge.
Les villages et les campagnes cingalaises nous ramenaient de belles images de notre passage au Cambodge. La population, elle, nous rappelait le sourire, l’accueil et la générosité des cambodgiens. Ils leur ressemblent même, physiquement je veux dire.
Proche voisine de l’Inde, plus grosse, plus populeuse, il est difficile de nier l’influence de celle-ci sur la culture du pays. Elle est évidente et bien sentie. Les Sri lankais ont même développé ce petit dodelinement de la tête, si typique aux Indiens.
(Note de l’auteur: Évidemment, les cingalais ont leur personnalité bien à eux! Mon propos ne se veut pas réducteur, loin de là. L’idée n’est pas de ramener leur culture à un simple amalgame d’influences étrangères. Ces comparatifs sont le fruit de notre regard, à Raph et à moi, regard qui se retrouve nécessairement teinté lorsqu’il se faufile au travers du prisme de nos propres expériences de voyage… )
L’idée de ce mélange, improbable, revint également lors de la visite des divers temples de l’Île de Ceylan. On avait souvent l’impression de se retrouver entre Cambodge et Inde…entre bouddhisme et hindouisme. Dès la visite de notre premier temple au Sri Lanka, je fus étonné de voir, dans un même lieu, la présence d’autels consacrés tant à l’hindouisme qu’au bouddhisme.
Le temple était manifestement érigé à la mémoire du Bouddha; une immense statue de celui-ci prenait place dans l’enceinte principale et l’arrière du bâtiment abritait une pagode destinée aux moines. Le temple était d’ailleurs bâti autour d’un arbre de la Bodhi* où se rassemblaient plusieurs fidèles venus y prier. Sans équivoque, nous étions dans un lieu bouddhiste.
Mais, on y découvrit aussi une petite alcôve, hindouiste cette fois, où l’on reconnaissait une effigie du seigneur Vishnu. Y était accrochées, de plus, de riches représentations de la culture hindoue. Abondantes et colorées, comme toujours, elles entouraient une petite statue de Ganesh (vous savez, c’est ce dieu hindou à la tête d’éléphant, qui symbolise chance et sagesse).
La présence de ces deux grandes religions sous un même toit m’étonna un peu. Non pas qu’elles soient si éloignées l’une de l’autre, puisque le bouddhisme est issu de l’hindouisme. Bouddha s’est initié à la philosophie hindoue auprès d’un brahmane. L’hindouisme a, d’ailleurs, intégré dans son panthéon de divinités Siddhartha Gautama (le Bouddha). Vous serez peut-être étonné de savoir qu’il est considéré par plusieurs comme un des avatars de Vishnu. (Peut-être serez vous encore plus étonné de savoir que, symboliquement, on prétend que ce panthéon compte « 330 millions de dieux ». Ça fait du « monde à’ messe », comme on dit!)
Je découvris assez vite que la plus vieille religion du monde a, ici, cédé sa primauté au bouddhisme qui lui, a su grandir avec son ancêtre à ses côtés. Bien que très fortement bouddhiques, rares sont les temples où il n’y pas de place consacrée aux divinités hindoues.
- Bouddha, qui tient la place principale dans ce temple
- Des représentations de divinités hindoues au dessus de la statue de bouddha
- Idem
- Remarquez le personnage hindou à droite du Bouddha du haut.
Plus encore, on les voit souvent représentés en adoration devant les effigies de Bouddha.

Temple de Dambulla, haut lieu de la culture bouddhiste au Sri Lanka. Notez, derrière, la présence de Vishnu, en retrait de Bouddha (à gauche). C’est aussi Vishnu que l’on voit à droite de l’image.
Parfois, il sagit d’un petit espace en retrait, discret, où fut déposé une idole du seigneur Vishnu ou même une simple affiche de celui-ci. (Eh oui, les affiches de Vishnu dans les temples sont très fréquentes…)
Dans les temples « strictement » hindous, nous n’avons pas observé de représentation de Bouddha ou de ses symboles. Néanmoins, un temple en son honneur est presqu’immanquablement érigé à ses côtés. Je n’ai observé ce genre de proximité nulle part ailleurs au cours de mes voyages.
Pendant plusieurs siècles, ces deux religions ont non seulement su co-habiter, elles se sont presque fusionnées (ok, le mot est un peu fort…) à travers tout le pays. Pas banal tout de même! C’est une chose de vivre en parallèle et de se tolérer, voire se respecter. S’en est une autre de se laisser influencer au point de se transformer mutuellement.
Bien sûr, leur proximité géographique, leurs symboles communs et leurs nombreuses ressemblances ont grandement nourris cet échange. Faut tout de même avouer que dans l’histoire de l’humanité, les religions ont divisé bien plus qu’elles n’ont unis… Bref, un équilibre me semblait s’être formé au cours des siècles et c’est avec curiosité que j’ai pu en observer les signes.
Le Sri Lanka compte une population fortement bouddhiste qui représente environ 70 % de celle-ci. Les hindous suivent en nombre, devant musulmans et chrétiens, presque tous catholiques.
Lorsque nous avons traversé des régions de confessions chrétiennes, j’ai rapidement remarqué que les catholiques s’étaient, eux aussi, laissés influencer par quelques pratiques propres aux autres religions.
L’hindouisme et le bouddhisme considèrent comme « temple », tout endroit érigé dans le but de vénérer leur divinité (en italique, parce que Bouddha n’est pas, à proprement parlé, un Dieu…Bon, sauf s’il est considéré comme un avatar de Vishnu…dans ce cas il est un dieu mais incarné…en tout cas!!!). La « grandeur physique » du temple n’a pas d’importance. On considère la ferveur et la dévotion suffisante en soi.
(Note de l’auteur: bon, j’admets que c’est expliqué avec quelques raccourcis, mais l’idée est simplement de vous présenter le concept.)
D’ailleurs, le Dalaï-Lama lui-même enseigne: Nul besoin de temples, nul besoin de philosophies compliquées. Notre cerveau et notre coeur sont nos temples.
Ainsi, les « petits temples » peuvent se multiplier à l’infini et il n’est pas rare qu’ils ne soient pas plus gros qu’une boite à lettre. Ils peuvent se retrouver à tout endroit, à moindre coût, les rendant plus accessibles pour, entre autres, des milieux pauvres ou reculés. On y installe des objets symboliques ou alors on y place statuettes et idoles. Immanquablement s’y joignent des offrandes diverses et quelques bâtons d’encens.
Quel ne fut pas mon étonnement de constater qu’ici, les chrétiens avaient emprunté cette façon de faire à leurs homologues religieux. Ainsi, on retrouve de petits temples, remplis de statuettes diverses: de Sainte Anne à la Vierge Marie, en passant par quelques martyrs et autres représentations de saints chrétiens. Le christ lui-même s’y retrouve, assurément, mais ne semble pas toujours occuper le haut du pavé. On dirait de petites crèches qui ne seraient pas érigées à la mémoire de la nativité de Jésus. Les offrandes sont aussi bien présentes, accompagnées, évidemment, de quelques crucifix…et de bâton d’encens! (Oui ben, de l’encens, y en toujours partout!)
Les quelques discussions que j’ai eu avec les cinghalais, à ce sujet, m’amènent à constater un respect entre ces croyances, bien plus grand qu’une simple acceptation. Ils vont même prier ou célébrer avec leurs amis dans des temples de différentes confessions.
Tout ça pour vous dire que je fus ravis de voir une telle influence entre les diverses religions du pays. Ça faisait du bien à voir (et à savoir)…même pour l’agnostique convaincu que je suis. Que voulez-vous, on ne peux pas nier l’existence des religions… et encore moins leur incidence sur notre monde!
Évidemment, je ne suis pas complètement dupe…Rien n’est parfait! Malgré cette apparente tolérance, et bien que la constitution du pays garantit l’égalité de traitement à toutes les croyances, l’histoire moderne du Sri Lanka comporte nombre d’années de guerre civile sur fond de divergence religieuse, linguistique et territoriale.
Tout de même: un tel exemple, ça nourris un peu l’espoir…ne trouvez-vous pas?
Miguel
*L’arbre de Bodhi
Bouddha aurait atteint l’illumination (Bodhi) sous un arbre au cours d’une longue méditation. Cet arbre, appelé Bodhimanda, occupe une place particulièrement importante dans la mythologie bouddhique. Par exemple, ses feuilles sont devenues un motif iconographique ainsi qu’un porte-bonheur.
Les fidèles viennent prier devant lui et y font des cérémonies et des rituels…De nombreux enfants de cet arbre existent dans le monde. Ils seraient tous des boutures ou des arbres issus des fruits de l’arbre original.
Au Sri Lanka, notamment, un arbre de la Bodhi, représentant l’enseignement du Bouddha, est planté près de chaque monastère.
Chers voyageurs,
Quel plaisir que de découvrir grâce à vous ce coin de la planète si riches, tant par sa nature verdoyante, ses enseignements de sagesse, sa culture que nous connaissons peu en Amérique du Nord. J’ai vraiment apprécié vos commentaires et photos.
Merci de nous inviter dans votre périple cet de partager si généreusement votre expérience unique.
A bientôt et bonne route.
Suzanne et Vital. Xxxx
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Merci Elvis, c’est gentil!
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